
« Je voudrais qu’après ma mort, on fît de
ma peau une valise »
Paul Morand
3 Janvier 2003 : Georgetown
- Aéroport
Georgetown
(ou Penang): 322 713 âmes
Je rejoins la Malaisie, pays
où le dernier cri du modernisme est bon marché. Parti de Medan (Indonésie),
j’atterris à l’aéroport de Penang. Arrivé au terme de mes deux mois
de visa indonésien et en période de vacances, j’ai du négocier un
vol en catastrophe. L’avion m’aura coûté moins cher que l’amende
indonésienne et un ticket de ferry.
Penang est une ville ancienne et dévorée par les tours et
le modernisme. L’énorme avantage pour le touriste globe-trotter
que je suis est que les prix sont contrôlés. On retourne dans le
one-price. Finis les marchandages et les négociations sans
fin pour une course de takse(*)vers
un hôtel. On commande sa voiture à l’aéroport et on paye d’avance.
Je retrouve un monde policé où le touriste n’est plus une proie;
c’est une victime, car tout est cher ici. Le niveau de vie est tel
que les malais passent leurs vacances à grand train de vie en Indonésie
ou en Thaïlande.
Je paye cher ma première nuit dans un guest-house
du quartier des baroudeurs.
4 Janvier 2003 : Penang - Installation
Changement d’hôtel. Je trouve mieux et moins cher. Tout est
expensive ici sauf internet qui chauffe pour un ringgit
la demi-heure ( 1 ringgit = 0,3 Euros ). Par contre, on marche plus
librement dans les rues de cette grande ville. Personne ne vient
me proposer quoique ce soit, les gens n’écarquillent plus des yeux
en me voyant déambuler avec mon chapeau. Je suis un touriste dans
une ville pluriculturée. La nourriture est succulente. Je
me délecte d’un fameux chicken rice dans le quartier chinois.
Les balades sont plaisantes dans les rues de Penang. Un vieux
cimetière chrétien marquera ma visite. Sale, coincé derrière une
avenue bruyante, sombre sous des cambodgian trees, j’y entre
presque par dépit. Il n’a rien d’intéressant sinon une ambiance.
Les arbres emmêlent leurs
branches vers un feuillage touffu et jonchent les pierres usées
de leurs fleurs blanches. Un clarinettiste monte des vocalises à
son instrument. C’est un westerner en short rouge et tee-shirt
blanc. Deux ouvriers ont arrêté de ramasser les feuilles, assis
comme moi sur une stèle, écoutant le chant de l’instrument monter
en espalier.
Retour dans la cohue du centre ville. Un type barbu basané
enturbanné m’accoste.
-
« Hello! Where are you from? … etc
… »
-
Et il ajoute très vite: « You
look happy but you are sad. You will come back with the woman
you love ».
Je lui réponds espérant le
désamorcer:
-
« You are Indian and you say that
you are a medium. You try to sell the good fortune to the tourists
».
C’était facile mais juste.
Il essaye de deviner le prénom de ma mère, ma date de naissance
et m’invite à le suivre. Après cinq patientes minutes, l’homme jette
le turban. Il a deviné que je n’ai pas de ringgits
à dépenser pour ses psychodivinations. Je pars avec l’idée
qu’un happy face est rarement heureuse.
Dîner à base de riz. Mon voisin de table est remarquable.
Il est simplement répugnant. Son ventre le tient éloigné de la table
sur laquelle il aligne pas moins de huit bouteilles de bière. Ses
mains plongent des doigts luisants dans des frites inondées de ketchup.
Honte d’être aussi un touriste. La patronne place sur sa table une
boîte de kleenex qu’il n’a certainement pas commandée.
6 Janvier 2003 : Penang
Après
six mois de route, je m'offre un moyen d'écouter et d'enregistrer
du son ou de la musique. Un luxe certainement, mais aussi un immense
plaisir. Seul en voyage, le temps devient un privilège. Viennent
alors les pensées. On s'interroge, puis on s'observe. On s'étudie.
Le superflu devient essentiel.
Encore un carnet de retour achevé et remplacé. Voilà qu'à peine
acheté je trouve ce nouveau cahier bien peu armé pour supporter
mon voyage. Ses feuilles vont bientôt se séparer, il va falloir
les numéroter.
Le malais est une langue intéressante, très proche de l’indonésien,
car variante d’une langue commune qui a évolué à cause du phénomène
colonial. Pour de nombreux mots doit simplement changer l'orthographe
et la prononciation. On retrouve beaucoup de mot d’origine portugaise.
En malais et en indonésien, pain se dit "pan" ("pão",
en portugais); soulier se dit "sapato" ("sapato",
en portugais) et fenêtre se dit "djanela" ("janela" en portugais).
7 Janvier 2003 : Penang - Vertigo
Il y a des villes où on ne souhaite pas s'installer mais où l'on
reste collé, malgré soi. En général c'est pour des détails, pour
un peu de confort ou même parfois par commodité.
Cela fait trois jours que je pensais partir. Aujourd'hui la pluie
m'interdit de sécher mes vêtements pour attraper le bus de Bangkok.
Conseillé par la
gérante de mon hôtel, j'entreprends la grimpée de la colline qui
surplombe la ville. Une heure passe dans deux bus bondés en direction
de Penang Hill. Mon estomac m'impose une pause-déjeuner dans un
café. Une vitrine aux trois pendus retient mon regard. Je dois désigner
le canard dont je convoite
les ailes délicieusement laquées. Une femme corpulente me montre
en retour les cinq ringgits que je dois débourser.
Déjeuner emballé,
j'attrape le funiculaire
qui dépose à mi-colline. Au milieu, il est nécessaire de changer
de train. La pente
est à couper le souffle. Dans le wagon rient de jeunes musulmanes
et des enfants sortis de l'école, tous en uniforme.
Sur le trajet,
je vois les premiers singes, des macaques. En
haut de la colline un espace de jeu fait face à un temple
hindou bleu, jaune, rouge sous ciel bleu azur. On s'arrête devant
ces couleurs,
puis on repart, parce que c'est trop. Un chemin conduit vers la
canopy forest,… Les arbres
sont gigantesques. Mon Dieu, je dois avouer que j'ai eu peur sur
ces planches au dessus du vide……..
J'étais pourtant
quinze fois mis en garde par un panneau plus qu'exhaustif.
Si vous
ne portez pas de chaussures adéquates
|
Si vous
êtes sujet au vertige
|
Si vous
suivez un traitement
|
Si vous
êtes en mauvaise condition
|
Ou un peu
fort
|
S'il pleut
ou s'il y a du vent
|
...
|
Si votre
horoscope est mauvais
|
Si votre
belle-mère a un contrat sur vous
|
...
|
Surtout
n'y allez pas, n'y allez pas!!!!!!!!!
|
Et si vous y allez tout de même, ne vous balancez pas,
ne vous penchez pas, avancez bien droit, ne vous arrêtez pas, ne
soyez pas plus de deux par tronçon, ne reculez pas.
Je m'engage sur un pont
de cordes suspendu à trente mètres au milieu de la canopée.
Long de quatre cent cinquante mètres, j'apprendrai le soir qu'il
s'agissait du plus long du monde dans cette catégorie.
J'ai eu le vertige mes enfants, mes pieds tremblaient,
je fermais les yeux pour ne pas regarder, je m'accroupissais pour
respirer. Les aménagements autour des troncs pour relier les passerelles
balançaient. L'équilibre n'existait plus. C'est la forêt entière
qui chavirait. Je n'étais pas fier à regarder à l'arrivée.
La descente du coteau de Penang se fait à travers une
forêt somptueuse, spectaculaire. Un écureuil
noir au poitrail rouge fait un numéro d'équilibriste sur le
câble téléphonique qui longe la route. L'animal est gros comme un
chat. Sa queue serait sans doute une douce caresse au cou de ces
dames. Un serpent a laissé sa mue au milieu du chemin. Les papillons
sont grands comme des oiseaux, les singes crient dans les arbres.
L'un d'entre eux se fait menaçant et se penche pour attraper mon
chapeau. Des inconnus malais en mal de touristes m'arrêtent. Je
prends le thé avec eux sur le bord de la route alors qu’une fourmi
longue comme une phalange tourne autour de mon pied.
Il est 22h30, réflexions devant mon repas: Face à vous
des nouilles frites mollement entrelacées dans une huile noire proche
de sa cousine de vidange. Vous n'avez que deux baguettes comme ustensile.
Vous regardez alors votre assiette. A la première attaque, les longues
bestioles jaunes et noires glissent comme des anguilles. Vous avez
faim mais vous vous posez malgré vous une devinette.
Qu'est-ce
qui est plus gras ?
|
Vous?
|
Votre estomac?
|
Votre pantalon?
|
Les baguettes?
|
Vos doigts?
|
Les nouilles?
|
Ne cherchez pas à répondre, concentrez-vous. Et si vous investiguez,
vous avez déjà certainement perdu.
Face aux lipides civelles, un écran qu'ils appellent sky-TV
en Indonésie, un grand écran branché sur la B.B.C. Que la reine
mère a l'air con, sauf le respect que je dois à sa nobilité.
8 Janvier 2003 : Penang - Colis
Le chinois malais est fort, costaud, charpenté, visage dur et sévère,
grand comme un jeune japonais, large tel un australien du bush.
Le malais chinois est bien nourri, vieillissant il s'arrondit. On
le trouve souvent mollement étendu, dormant dans son rickshaw.
Son père ressemblera à ce que je prenais
jusqu'à maintenant comme une caricature de vieille estampe
chinoise. La barbe longue, étroite, blanche poussant comme une touffe
juste sur le menton, les jambes longues, sèches et musclées, le
regard plongeant sur le bitume ou droit-devant en capitaine quand
il promène un passager. La tête dressée sous le parapluie qui couronne
son tricycle, les fleurs jaunes rouges décorent le dossier des clients.
La lèvre inférieure pend toujours, elle retombe presque sur le menton.
J'envoie
aujourd'hui un colis vers Paris. Poste sous affluence. Sans essayer
d'être aimable un indien prend mon paquet, le rend avec des formalités
à remplir, me presse, me laisse à peine le temps de le fermer et
déjà le jette sur un tas. Je ne saurai pas quand il part, combien
de temps il mettra, si cet indien a bien ou mal dormi, s'il est
fatigué ou simplement énervé - il est déjà collé derrière son bureau,
affairé, très affairé. Heureusement pour moi, le double de mes CD
de photos reste dans mon
sac jusqu'au prochain envoi. Quant à mon carnet jaune, mon cahier
écrit en Indonésie, que Dieu le protège- Kétouvoyaxébiené
comme disent les espagnols.
Contenu
du paquet
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Deux cartes pour mon père de la Malaisie
Tous les papiers, tickets, roupies d'Indonésie
6 chargeurs, une batterie, un câble d'optique, un transfo
pour mon lecteur de mini-disques
Un cahier de mes dessins du moment
Mon grand cahier jaune Indonésie
Trois cd-rom des photos d’Indonésie, la copie de celles d’Australie,
celles du début de la Malaisie
Des exoticités pour papa ( brochettes sucrées, salées,
pimentées, du durian en bâton à croquer )
Un guide du routard Indonésie
Un excellent bouquin sur l'Indonésie
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9
Janvier 2003
: Penang – Départ
Départ en mini bus climatisé vers Phuket en Thaïlande.
Lexique
Ada : Il
y a
Bunga :
Fleur
Dunia :
Monde
Kemboja :
Frangipanier, arbre des morts
Cinta : Amour
Dua :
Deux
Saya :
Moi, je
Senang :
Facile
Orang :
Homme
Pisang :
Banane
Batang :
Tige
Bintang :
Etoile
Kasih :
Amour
Padi :
Riz en herbe
Mandi : Baigner
Budi :
Sagesse, gentillesse
Pagi :
Matin
Perigi :
Puit, source
Kaki : Pied
Mimpi :
Rêve
Nasi : Riz
Baik :
Bien
Malam :
Nuit
Jangan :
Ne pas
Tangan :
Main
Dengan :
Avec
Jalan : Voyager,
route
Bulan :
Lune, mois
Tuan : Vous, monsieur
Kain :
Tissu
Main :
Jeu
Tidur : Dormir
Atas : Dessus
Dapat : Lieu, endroit
Membelli :
Acheter
Menjual :
Vendre
Takse :
Taxi
ET LA SUITE EN THAÏLANDE, ... !!!
LA MALAISIE EN 13 SUBJECTIVITES :
Pays:
JJJLL
Population:
JJJLL
Paysages:
JJJJL
Alimentation:
JJJJL
'Bon
marché' de la vie:
JJLLL
État
des transports:
JJJJJ
Communication, Internet: JJJJL
Propreté:
JJLLL
Envie d'y retourner :
JJJLL
Villes préférées:
Penang,
mais je n'ai vue que celle là!
Mots les plus entendus:
Pas
Glop:
Les
grattes ciels abîment la ville
Glop
Glop:
Impression générale:
Regrets
/ Pas le temps:
Peu de temps en général
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